Alexander Calder : les années parisiennes, 1926-1933
Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? Dans un film, diffusé sur grand écran, Alexander Calder, accroupi, penché sur ses personnages, enchaîne les prouesses et les acrobaties. Au milieu de l’arène, les créatures mobiles rivalisent de clowneries. Le premier avale un sabre, suivi par une fille de fer aux formes sensuelles qui entame une danse du ventre. Dans les airs, les trapézistes défient les lois de la gravité. La ménagerie entre ensuite en action : chameau, lion, éléphant, les otaries se renvoient la balle en hurlant… Les animaux articulés se révèlent criants de vérité. Ils ne sont pas loin de prendre vie sous les yeux ébahis des spectateurs. Puis Alexander Calder allume une cigarette pour un de ses personnages. Et tire une bouffée de fumée à l’aide d’un tuyau reliant la bouche du bonhomme à celle du marionnettiste. Par le même procédé, il gonfle ensuite un ballon qui vient faire tomber un autre personnage avant d’éclater.
Cet univers facétieux produit un effet saisissant dans l’assemblée : fascination chez les plus petits et larges sourires chez les moins jeunes. Le Cirque de Calder, réalisé entre 1926 et 1931 à Paris, constitue le cœur de l’exposition du centre Pompidou. L’œuvre du sculpteur est reconstituée sous une cloche de verre – de peur que les personnages ne s’échappent ? – où les visiteurs peuvent apprécier la finesse de corps et de costumes des personnages. Confectionnés essentiellement de fil de fer, mais aussi d’autres matériaux : bois, métal, tissu, papier, carton, bouchons, boutons, clous, etc.
Les « mobiles »
Fidèle à ses fils de fer, Alexander Calder réalise également des sculptures linéaires. Dont plusieurs de la danseuse Joséphine Baker, reconnaissable notamment à son pagne légendaire. L’esthétisme poétique de l’Américain magnifie alors une Joséphine Baker longiligne, insaisissable, aérienne, généreuse, vague et mystérieuse. Qui, grâce au jeu de lumière, semble partie pour entreprendre un pas de danse.
Mais la musique sonne soudain différemment en 1930 aux oreilles d’Alexander Calder. « J’ai été bouleversé par l’atelier de Mondrian », confie l’ingénieur de formation. A l’instar de ces œuvres, l’atelier du peintre néerlandais s’agence de façon irrégulière, avec des murs blancs, divisés par des lignes noires et des rectangles de couleurs vives. Alexander Calder, exalté par l’animation, ressent aussitôt le désir d’articuler cet enchevêtrement, de le mettre en mouvement. Apparaissent dès lors ce que Marcel Duchamp nomme à l’époque les « mobiles » : des assemblements géométriques simples, reliés à des boules ou des plaques en fer découpées et colorées. Les montages motorisés prennent tout leur sens grâce aux vidéos mises à disposition.
Mouvement perpétuel
L’exposition du centre Pompidou se termine dans une ultime représentation. Alexander Calder, en véritable démiurge, tire les ficelles. C’est un cirque à lui tout seul. Minutieux, précis, créatif, le visage attentif, concentré et espiègle, il met en scène un univers inédit et audacieux. L’artiste se fait le chantre du mouvement perpétuel. Un lanceur de projectile vise une figurante via un système de catapulte. Il la touche, les brancardiers arrivent. Le spectacle ne s’arrête jamais ! De cette rétrospective consacrée à Alexander Calder, seul le principal intéressé brille finalement par son absence. Il manque uniquement la bonhomie singulière du marionnettiste, prêt à insuffler la vie à ses fils de fer. Un dernier numéro, et le rideau rouge tombe sur le devant de la scène.
Cyril Masurel
Jusqu’au 20 juillet 2009
Tous les jours de 11h à 21 h. Fermé le mardi et le 1er mai.
Tarif plein 12€ ou 10€ selon période / tarif réduit 9€ ou 8 € selon période
Centre Pompidou
01 44 78 12 33
Métro Rambuteau, Hôtel de Ville, Châtelet, Châtelet – Les Halles
Photo © Whitney Museum of American Art. Alexander Calder © 2008 Calder Foundation, New York/Artists Rights Society (ARS), New York
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